Les récentes évolutions jurisprudentielles ont profondément modifié les droits des salariés en matière de congés payés lors d’arrêts maladie. La Cour de cassation a en effet réaffirmé en 2023 que les périodes d’absence pour raisons de santé ouvrent droit à l’acquisition de congés payés, même en l’absence de travail effectif. Cette révolution juridique, confirmée par plusieurs arrêts récents, impacte directement les droits rétroactifs des salariés.
Contenu
Évolution récente de la jurisprudence
Les arrêts de 2023 : un tournant pour les droits des salariés
La Cour de cassation a rendu le 13 septembre 2023 une série d’arrêts marquants, notamment concernant les arrêts maladie non professionnels et les accidents du travail/maladies professionnelles. Ces décisions écartent les dispositions légales subordonnant l’acquisition de congés payés à l’exécution d’un travail effectif, en s’appuyant sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Principales innovations :
- Droit aux congés payés pour les périodes d’arrêt maladie non professionnel, même sans activité de travail.
- Extension aux accidents du travail et maladies professionnelles au-delà d’une durée ininterrompue d’un an.
- Distinction entre contrat en cours et contrat rompu : les salariés en poste peuvent prendre leurs congés, tandis que ceux licenciés peuvent réclamer une indemnisation.
Droits des salariés en cas d’arrêt maladie
Arrêt maladie non professionnel : acquisition des droits
Les salariés en arrêt pour maladie non professionnelle bénéficient désormais d’un droit à congés payés couvrant l’intégralité de leur absence, sous réserve que le contrat de travail soit toujours en cours. Cette règle s’applique même si l’employeur n’a pas effectué de versement d’indemnités pendant l’arrêt.
Cas pratique :
Un salarié en arrêt de 6 mois pour maladie non professionnelle peut exiger de prendre ses congés payés acquis pendant cette période, une fois rétabli. L’employeur doit alors planifier une nouvelle période de congés, même au-delà de la période de référence initiale.
Accidents du travail et maladies professionnelles : droits étendus
Pour les accidents du travail ou maladies professionnelles, les droits à congés payés sont désormais reconnus au-delà d’une durée d’arrêt ininterrompue d’un an. Cette décision vise à garantir une protection renforcée aux victimes de pathologies liées à leur activité professionnelle.
Exemple concret :
Un salarié en arrêt pour une maladie professionnelle de 18 mois peut cumuler ses droits à congés payés sur l’ensemble de cette période, sans limitation temporelle.
Mécanismes de régularisation
Procédure individuelle : réclamation directe
Les salariés doivent agir individuellement pour faire valoir leurs droits. La Cour d’appel de Versailles a récemment rappelé que les actions collectives (syndicats ou CSE) ne sont pas recevables pour régulariser des situations individuelles.
Étapes clés :
- Vérification des droits : calculer les congés payés acquis pendant l’arrêt.
- Demande écrite à l’employeur : solliciter la prise effective des congés ou le paiement d’une indemnité.
- Recours juridique : en cas de refus, saisir le conseil de prud’hommes avec preuves de l’arrêt et des droits acquis.
Limites temporelles : le plafond de 15 mois
Le législateur envisage de limiter à 15 mois le report des congés payés en cas d’arrêt maladie, selon les discussions en cours. Cette mesure vise à éviter les abus tout en préservant les droits fondamentaux des salariés.
Limites et controverses
L’action collective : un outil inefficace
La Cour d’appel de Versailles a clairement établi que les réclamations collectives (syndicats, CSE) ne peuvent pas régulariser des situations individuelles. Seul un recours individuel permet de faire valoir ses droits, ce qui soulève des interrogations sur l’accès à la justice pour les salariés.
Décision de la Cour d’appel de Versailles (10 avril 2025) :
- Rejet des demandes collectives : l’action ne relève pas des prérogatives du CSE ou des syndicats.
- Nécessité d’une action individuelle : chaque salarié doit agir en son nom propre pour obtenir une régularisation.
Débats sur la rétroactivité des droits
La question de la rétroactivité des droits à congés payés reste partiellement résolue. Si les arrêts de 2023 s’appliquent aux situations en cours, leur portée rétroactive n’est pas explicitement encadrée. Les juristes recommandent aux salariés de consulter un avocat pour évaluer leur situation spécifique.
Conséquences pratiques pour employeurs et salariés
Obligations des employeurs : adaptation nécessaire
Les entreprises doivent désormais :
- Mettre à jour leurs politiques de gestion des congés pour intégrer les nouvelles règles.
- Anticiper les demandes de régularisation en conservant les preuves des arrêts maladie et des droits acquis.
- Former les RH aux nouvelles procédures de calcul des congés payés pendant les absences.
Risques de contentieux : prévention recommandée
Les litiges liés aux congés payés pendant les arrêts maladie sont en hausse. Les salariés doivent :
- Conserver toutes les preuves (arrêts médicaux, courriers à l’employeur).
- Agir rapidement pour éviter la prescription (2 ans en matière prud’homale).
- S’entourer d’un avocat pour négocier ou engager une procédure.
Perspectives et enjeux futurs
Vers une harmonisation législative ?
Le législateur pourrait intervenir pour clarifier les règles, notamment sur :
- La durée maximale de report des congés payés (projet de plafond à 15 mois).
- L’articulation entre indemnités journalières et congés payés.
- La prise en charge des frais de santé pendant les congés.
Ces évolutions renforcent les droits des salariés mais complexifient la gestion des ressources humaines. Les entreprises devront équilibrer protection des travailleurs et soutenabilité économique, notamment pour les TPE/PME.
Les récentes décisions de justice ont redéfini les droits des salariés en cas d’arrêt maladie, offrant une protection accrue mais nécessitant une vigilance accrue de la part des employeurs. Pour faire valoir leurs droits rétroactifs, les salariés doivent agir individuellement, en s’appuyant sur les arrêts de 2023 et en conservant une documentation rigoureuse. L’avenir de cette jurisprudence dépendra désormais des réactions du législateur et des pratiques des entreprises.